Il Tigrane
Argument
Tomiri,
reine des Massagètes, étant veuve, perdit ses deux fils dans
leur prime enfance. Le premier, appelé Archinto, fut enlevé par
un pirate et vendu au prince d’Arménie, qui, après avoir vu en
l'enfant un esprit noble et généreux, l'adopta en lieu et place
de Tigrane, son fils mort. Le second, appelé Séleucus, fut tué
par Cyrus, roi de Perse, dans une bataille. Tomiri voulant se
venger, prit les armes contre le perse pour apaiser avec son
sang l'ombre de son fils mort ; et pour former une armée plus
redoutable, appela à son secours Policare roi de Lydie, et
Doraspe roi de Damas, offrant, pour prix de la victoire, sa main
à celui qui serait en mesure de la venger. Ceux-ci vinrent dans
cet espoir, et la servirent également, offrant à Tomiri un grand
triomphe, conclu par la décapitation de Cyrus. Elle fut donc
dans l'obligation d’épouser l'un des deux rois, mais réclama un
délai d’une année, disant qu’elle donnerait sa réponse au jour
anniversaire de la victoire. Les deux rois, pour mériter l'amour
de Tomiri, restèrent dans son royaume. Ce faisant, le prince
Tigrane (en fait le fils de Tomiri, comme mentionné ci-dessus) s’étant
trouvé dans la cour de Cyrus avant sa mort, s’éprit fortement de
Meroe, fille unique du roi des Perses, et fut aimé d’elle. Ils
échangèrent leurs vœux en secret, mais Cyrus, en ayant eu
connaissance, voulut se venger de Tigrane, qui dut s’enfuir
du royaume, ce qui causa d’abord à Meroe une extrême douleur, à
laquelle vint s’ajouter une seconde douleur, celle de la mort de
son père. Elle résolut de se venger, par la force ou la
tromperie, de Tomiri ; pour se garder de cette dernière, Meroe
répandit faussement la nouvelle de sa propre mort. Cette fausse
alerte de la mort de Meroe fut pleurée à chaudes larmes par son
promis Tigrane, qui, tombé dans une sombre mélancolie, chercha à
s’en distraire par quelque pérégrination. Son premier souci fut
de voir le royaume de Tomiri, rendue si célèbre par sa victoire
sur Cyrus. A peine fut-il vu de Tomiri, que par la force secrète
des liens du sang, sans le reconnaître, elle fut forcée de
l’aimer et attribua cet amour instinctif à un penchant amoureux,
et commença (oubliant les deux rois) à le désirer comme époux ;
mais ne pouvant se déclarer ouvertement, et contrainte à bien
des égards, elle sut le retenir dans sa cour, sous le motif
apparent de le pousser à accepter le commandement suprême de ses
troupes comme général en chef. A ce don inattendu, Tigrane se
sentit empli de gratitude (mais plus par la force insoupçonnée
du respect filial) et l'acceptant, il offrit en retour sa
fidélité inconditionnelle, et son allégeance. Sur ce, Meroe
ayant appris que son amant était auprès de son ennemie, élevé
par Tomiri, à cause de l’amour que cette dernière lui portait
secrètement, à un rang considérable, et le choix d’un époux
approchant, Meroe décida par jalousie comme par vengeance, sous
le déguisement d’une diseuse de bonne aventure errante, de venir
dans le dit royaume afin de confondre son cher amant, de le
rendre fidèle à son amour et, avec son secours, d’accomplir sa
vengeance. Et ainsi, elle parvint dans le royaume des
Massagètes, précisément le jour anniversaire la mort de Cyrus,
où devait être célébré la mémoire du triomphe de Tomiri, et qui
devait être aussi celui du choix d’un époux entre les deux rois,
mais dont, en raison du sentiment secret qui l’attirait vers
Tigrane, la reine retardait par ses actes et ses flatteries, le
moment. Le drame commence avec la première action, que Tomiri
accomplit ce jour-là, qui était de faire une offrande au dieu
Mars, en lui offrant la tête coupée de Cyrus, et Meroe, déguisée
en devineresse, arrivant en ces lieux.
Domenico Lalli
Traduction libre par Gilbert Blin et Rémy-Michel Trotier
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