L'histoire
du Théâtre du Château de Drottningholm |
03/2009 |
Un premier château fut bâti
à Drottningholm dès le XVIème siècle par le roi
Johan III, afin d’offrir une résidence convenable à sa
femme, Katerina Jagellonika, mais le feu détruisit ce bâtiment
en 1661. La situation de Drottningholm - ou Île de la Reine -
avait cependant gagné les faveurs de la Cour, et le lieu
offrait une résidence idéale, proche de la capitale,
Stockholm ; de plus, après la guerre qui déchira la
première moitié du XVIIème siècle, la Suède
avait atteint le rang de puissance européenne. Aussi la Reine
Douairière commanda-t-elle un nouveau palais dont la
construction commença en 1662. Le style, qui devait accentuer
la position influente que la Suède avait désormais acquise,
reste un des exemples les plus fins du baroque de la deuxième
moitié du XVIIème siècle. Il fut créé par
Nicodème Tessin l’Aîné, puis par son fils Le Jeune, tous
deux fortement influencés par le style français de l'époque.
Au XVIIIème
siècle, le château demeura longtemps une retraite appréciée.
Ce fut l'influence d'une mère et de son fils qui propulsa
Drottningholm au centre de la vie culturelle, et, pour la
Suède, en fit le point de convergence de l'art et des sciences.
En 1744, Louise-Ulrique de
Prusse épousait l'héritier suédois Adolphe-Frédéric, et
recevait le Château comme présent de mariage. La future reine
entreprit de transformer la résidence royale, avec la création
d'une admirable bibliothèque, le dessin d'un jardin formel à
la française et, plus illustre encore, le bâtiment du
Théâtre de Cour du Château de Drottningholm.
Le Théâtre, conçu par Carl
Fredrik Adelcrantz, ouvrit en 1766. De même que le Château, il
était bâti sur les ruines d'un précédent bâtiment,
également détruit par le feu. Les matériaux employés
étaient simples, mais créaient néanmoins une illusion de
splendeur et de profondeur, conforme aux canons des arts de la
scène à cette époque. Ici encore fut employé le style
français dit de Rocaille. Des extensions furent
réalisées en 1791 par Louis-Jean Desprez, incluant les
appartements royaux et le Salon pour les festins et les
ballets, un foyer appelé aujourd'hui Déjeuner Salon.
La scène était entièrement
équipée de machineries et de moyens techniques alors
considérés comme le nec plus ultra. La machinerie reste
aujourd'hui encore en état de fonctionnement et représente un
témoignage de l'artisanat déployé alors ; les
mécanismes de scène incluent trappes, voitures de nuage et
machines à vent et à tonnerre. Quinze des ensembles originaux
de décors de cette époque ont été conservés. Ces ensembles,
et vingt autres incomplets, ont été copiés et sont
aujourd'hui utilisés
lors de productions d'opéra.
L'influence de la Reine
Louise-Ulrique et de son fils, Gustave III, fut immense. La
Reine s’entoura des plus importants intellectuels de son
temps, parmi lesquels Linnée ; tout en étant patron des
arts et mécène, Louise prenait également part à des
productions amateur au Château. Elle transmit cette passion
pour les Lumières à Gustave qui monta sur le trône suédois
en 1771. Il cultiva cet intérêt, voyagea fréquemment, mû par
son amour pour le théâtre et la musique. Ses voyages le
conduirent en France, où il assista et même participa à des
productions. Incidemment, il était à Paris lorsqu'il appris
qu'il était roi. Ces liens culturels se renforcèrent davantage
encore quand une troupe française d'acteurs vint à
Drottningholm jouer pour le Roi.
Ce développement culturel,
placé sous de royales protections, s’étendait à toute
l'Europe, et la Suède, sous la conduite de Gustave, ne fut pas
en reste. Outre les œuvres dramatiques suédoises et
françaises, les ouvrages de Gluck, Grétry et Piccini étaient
jouées à Drottningholm. L’Europe connut un apogée, un âge
d'or de la culture avant d’être encore une fois plongée dans
la révolution et la guerre. En 1792, le Roi Gustave fut
assassiné lors d’un complot fomenté par une noblesse
hostile, et avec sa mort le Théâtre de Drottningholm tomba peu
à peu en désuétude.
Pendant plus d’un siècle, le
théâtre resta ignoré et employé essentiellement comme
entrepôt ; il ne rouvrit qu’en 1922, sous la direction
de l'historien Agne Beijer. Certaines adaptations furent faites
au XXème siècle, telle l’installation de
l'électricité, mais le Théâtre et son contenu restèrent
largement intacts et fidèles aux exigences et au style original
du XVIIIème siècle. Avec cette renaissance vint la
formation d'un musée suédois du théâtre.
Depuis, de nouvelles productions et
interprétations de concert d’ouvrages de l’époque ont
été présentées lors de chaque saison estivale et ce, même
lors des années les plus sombres de la deuxième guerre
mondiale. Ces efforts artistiques ont été soutenus et nourris
par l'Association
des Amis de Drottningholm, fondée en 1935, puis par une
Fondation consacrée au maintien de l'esprit du Théâtre. Cette
forme de gestion a fonctionné fructueusement, en développant
un répertoire fort d’opéras du XVIIIème siècle,
soutenu par un public fidèle. Enfin, dans les années 1970, les
progrès accomplis en termes de style d’interprétation ont
permis d’exploiter réellement les mérites et les qualités
de ce théâtre unique.
En 1980, le chef d’orchestre Arnold
Östman fut nommé Directeur Artistique de Drottningholm.
S'appuyant sur l'identité historique du Théâtre et la
nourrissant de son énergie artistique personnelle, Östman eut
recours à l'enregistrement pour rendre les productions -
particulièrement de Mozart - plus accessibles à de nouveaux
publics à travers le monde ; un exemple parfait de
technologie du XXème siècle travaillant en harmonie
avec un art du XVIIIème. De
1993 à 1996, la direction
artistique fut confiée à la soprano Elisabeth
Söderström. Un de ses principaux apports fut de mettre
l'accent sur des compositeurs contemporains de Mozart, moins
connus, comme Martín y Soler et Philidor. De
1997 à 2006, Per-Erik Öhrn, chanteur, acteur, metteur en
scène et professeur d'université, dirigea la programmation du
festival du Théâtre. Il y introduisit la musique ancienne avec
des oeuvres de Rossi et Peri, en parallèle de commandes
de nouveaux opéras suédois. Durant cette dernière décennie,
le Théâtre a également retrouvé une renommée internationale
avec des productions d'opéras de Haendel et de Rameau. Certaines des productions
du Théâtre sont maintenant disponibles sous forme d’enregistrements
audio et vidéo/DVD.
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