Descriptif
prévisionnel du projet |
10/2003 |
Projet : Bigger
Jarl och Mechtild : une métamorphose pour la Scène
suédoise d'une Comédie-ballet française
Lauréat : Philippe Rolland
Le 23 février 1745, La Princesse
de Navarre, comédie-ballet de Voltaire et Rameau, est
représentée à Versailles à l’occasion du mariage du
Dauphin avec Marie-Thérèse d’Espagne. En juillet 1774,
Birger Jarl och Mechtild, adaptation suédoise de La
Princesse de Navarre, est joué au Palais de Stockholm,
aussi dans le cadre d’un mariage princier, celui du duc
Charles, frère de Gustave III, et de la duchesse Hedvig
Elisabeth Charlotta.
Presque trente années séparent la
pièce française de la pièce suédoise qui s’en inspire.
Isolément, ces deux œuvres de circonstances semblent représenter
peu d’intérêt. Cependant, nous souhaitons analyser ces
deux pièces en regard l’une de l’autre, selon la
problématique suivante : par rapport à ce que l’on
sait de La Princesse de Navarre, que devient cette œuvre
adaptée pour une scène étrangère, en l’occurrence la
scène suédoise ?
L’intérêt d’une étude
comparée de ces œuvres est double : il est à la fois
esthétique et politique.
Esthétique, puisque cette étude
permet de situer La Princesse de Navarre dans l’œuvre théâtrale
de Voltaire, et de s’interroger sur ce qu’est le genre
de la comédie-ballet française à cette époque :
comment mêle-t-elle les genres littéraires –
comédie, tragédie ? Quels rapports entretiennent le
sujet choisi par le dramaturge, les mœurs représentées,
la typologie des différents personnages avec le contexte
dans lequel a été créé la pièce ? Comment y
interviennent la danse et la musique ? Quelle en était
la(es) décoration(s) ? Plus généralement, comment se
déploient, dans l’écriture du drame, ces différentes
parties intégrantes ?
Au moyen de la même grille de
lecture et d’une comparaison terme à terme des parties
intégrantes, l’étude nous permettra également de mieux
caractériser la manière dont une œuvre théâtrale
française était choisie, adaptée, transformée en pièce
typiquement « nationale » sur les scènes
suédoises. Si la documentation concernant La Princesse de
Navarre est plus facilement disponible dans les
bibliothèques de Paris, il sera en revanche nécessaire de
se rendre en Suède pour enrichir la recherche sur Birger
Jarl och Mechtild. L’étude du livret, imprimé en 1774,
nous permettra probablement d’en savoir plus sur la façon
dont le librettiste, Gyllenborg, a adapté le texte de
Voltaire : dans quel contexte historique a-t-il
transposé l’action ? A-t-il enlevé ou rajouté des
scènes et des personnages ? Où fait-il intervenir la
danse et la musique ? Pour résumer : quel regard
un suédois du dix-huitième siècle porte sur un ouvrage
français ?
Cette étude fondée sur des
critères objectifs permettrait ainsi dans un deuxième
temps de s’interroger sur l’influence, à la fois
primordiale et camouflée, de la scène française dans l’un
des théâtres d’Europe les plus actifs de son
temps : le théâtre Gustavien.
Intérêt politique donc, puisque
si les deux œuvres ont été montées à l’occasion d’un
mariage princier, l’ouvrage suédois diffère de son
antécédent français par l’ambition déclarée qu’il
exprime d’inscrire l’inspiration dans le passé national
suédois. D’autant plus politique est la représentation
de Birger Jarl och Mechtild que Gustave III, à cette
époque, souhaitait fonder un véritable théâtre national
suédois. Birger Jarl, rôle titre, est, comme Gustave Wasa,
dans l’opéra homonyme qui lui sera consacré plus tard,
précisément un héros national. Cette introduction du
passé national, dans la vie artistique de l’époque, a
des buts de propagande que Voltaire, tout à l’apologie
courtisane de la royauté, ne semble pas avoir envisagé en
1745. Ce déplacement du rapport à la royauté dédicataire
crée un hiatus entre les deux œuvres de circonstances qu’il
est nécessaire de circonscrire, pour mieux faire émerger
la part d’influence purement d’ordre esthétique.
Philippe
Rolland
Mai 2003
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